Broyer du blanc

A première vue, ce ne sont pas des maisons, puisqu’il y manque les fissures.

A première vue, ce ne sont pas des hommes, puisqu’il y manque les blessures.

Pas d’anecdote, pas d’histoire : on y va tous, ça ne saurait manquer (ni tarder), vers ce monde de silence et de vacuité, atone et suspendu. C’est toute notre affaire, voilà ce que nous disent ces pièces diaphanes et ouatées, tout le tragique de notre condition : nous voilà adossés à du vide, perdus dans des labyrinthes transparents, aux parois menaçantes.

À fréquenter ces installations, on finit par comprendre, que pour nous ça sera très bientôt la fumée, le gaz, l’aube blanche aux formes vagues, le vierge, le mort. Et le silence, ça c’est sûr, un silence d’organes, troué d’orifices qui nous regardent sans nous voir.

Nous étions depuis longtemps installés à broyer du noir (cauchemars, monstres, nuit de la raison etc….). Mais voilà qu’observés par rien, écrasés de légèreté, sans personne à qui parler, il va nous falloir apprendre à broyer du blanc. C’est pas gagné.

Claude Meunier 2005

P.S : mais on peut toujours s’en sortir en brodant.