Point(blank)

2014
Galerie Archiraar, Bruxelles

L’espace est blanc et étroit une longue table où sont posés des dessins.

L’exposition POINT(BLANK) dévoile un mirage au contour tremblé, points sur une feuille que le regard parcourt mais qui résiste à l’entendement. Il s’agit là d’un territoire de vierge papier que la blancheur défend. Dans son oeuvre au blanc , Martine Schildge tente de conserver ce qui par essence est fugace et incertain : recueillir la blanche vêture de la terre.

Martine Schildge ne cherche pas à reproduire des formes finies, elle cherche plutôt à se joindre aux forces qui leurs donnent naissance. Le piquetage sur le papier mène autant qu’il est mené. Il forme une boucle vers l’intérieur, puis forme une nouvelle boucle vers l’extérieur, cousant l’esprit dans le point, dans une action de suture. Le geste reproduit le même rythme fatal, suivant une étendue ouverte, donnant progressivement naissance à un réseau de points qui se referme sur le dessin et l’attache fermement, immobilisant ainsi un panorama. Dans le voyage auquel nous sommes conviés, notre oeil navigue entre des îlots textuels. Le récit en langue insulaire narre le monde enfoui sous les paupières : la métamorphose du sujet en paysage.

Représentation mentale de la mer du Monde, les « états d’âmes » de Martine Schildge nous guident vers le rivage pour mieux y contempler l’agitation. Ces îles opèrent comme l’allégorie d’une retraite spirituelle, un espace de quiétude et de salut. Depuis le site d’une destinée personnelle, nous apprenons que nous ne vivons pas à l’intérieur de nos corps. Nos traces perforent le sol, notre souffle se mêle à l’atmosphère. Cet environnement serait comme le lieu d’interpénétration à l’intérieur de laquelle nos vies et celles des autres s ‘entremêlent en un ensemble homogène. Comment ne pas être frappé par l’albification systématique dans le travail de Martine Schildge, démarche qui s’apparente à une liturgie. Le blanc apparaît comme le symbole d’un monde où toutes les couleurs en tant que propriétés matérielles et substances auraient disparu. Ce monde est tellement au-dessus de nous qu’aucun son ne nous en parvient… C’est pourquoi le blanc agit comme un grand silence, absolu pour nous… C’est un silence qui n’est pas mort, mais plein de possibilités. Dans les blancs multiples, les nuances et les sens s’altèrent. Son champ chromatique s’associe initialement avec tout ce qui est doux, honorable et sublime. Pourtant, sa sécrétion d’une nature insaisissable méduse l’esprit d’une terreur plus grande que le pourpre du sang. Le blanc manié par Martine Schildge incarne essentiellement la lumière, la couleur de l’univers en soi. D’ailleurs, blanc  a été emprunté au germanique blank signifiant « brillant ». Sa clarté indique ici les lieux sans permettre de les voir, comme à travers un brouillard. Le paysage aux couleurs d’aube, presque inaccessible, converge vers une scène au sol poudré à blanc. Eût-il donc fallu patienter jusqu’au bout, ne pas du tout dormir, voir le jour naître dans le blanchissement du petit matin où l’on peut au moins croire une minute que tout commence, que l’on verra tout ?

Les paysages de Martine Schildge ne représentent jamais le monde tel qu’il existe. En longeant les rives, des mots d’une écriture serrée troublent notre perception. Cet archipel exprime le corps même, intimement lié à son auteur. Suivons le cercle, penchons nous sur ses bords, regardons son noyau, …

Alexis Rastel